Le Pont Transbordeur de Marseille
LE PONT TRANSBORDEUR DE MARSEILLE
Vie et mort de cet ouvrage qui a accompagné la vie des Marseillais pendant 40 ans
et dont le contrat de concession devait expirer en 1977
Combien de Marseillais savent que si notre pont transbordeur mis en service le
23 décembre 1905 n'avait pas été en partie détruit par l'armée allemande d'occupation,
sa destruction était de toute façon programmée depuis déjà plusieurs années.
Sa maintenance onéreuse négligée par la concession gérante due au manque de recettes
après des augmentations de tarifs ont provoqué le déclin du nombre d'usagers, les
difficultés à se procurer les fournitures indispensables pendant les deux guerres,
ont amené à cette décision.
Source de ce sujet :
Patrick Langer aux Editions Actes Sud – dépôt légal novembre 2006
« Le pont à transbordeur de Marseille – La porte de France à Marseille «
Poids total du pont.......................... 1.400 tonnes
Longueur totale …............................ 240,80 m
Altitude du tablier ….......................... 52.10 m
Poids du tablier................................. 390 tonnes
Hauteur libre sous le tablier ….......... 50,20m
Poids des câbles …............................ 94 tonnes
Hauteur des pylônes …...................... 84,60 m
Poids des pylônes ….......................... 480 tonnes
Espacement d'axe en axe des pylônes 165 m
Poids du cadre de roulement …......... 17,8 tonnes
Traction électrique …......................... 500 volts continus
Dimensions de la nacelle …............... 12x10 m
Poids de la nacelle …......................... 29 tonnes
Charge maximum aux essais de la nacelle 97 tonnes
Charge maximum de la nacelle en service 36 tonnes
Charge maximum de la chaussée de la nacelle 25 tonnes
Nombre de piétons admissibles 300
Nombre de piétons avec plusieurs véhicules 150
Longueur du parcours 165 m
GENESE DE L’OUVRAGE
Son concepteur Ferdinand Joseph ARNODIN né en 1845, dont le père travaillait dans
la société Seguin la première à construire des ponts suspendus sur les fleuves, fonde à
l'âge de 27 ans ses ateliers de constructions mécaniques à Châteauneuf sur Loire.
Son esprit inventif et imaginatif en vint à concevoir un pont à transbordeur, composé
d'une nacelle suspendue au dessus de l'eau reliée à un chariot de roulement mû entre
deux pylônes.
Sans attendre les commandes F. Arnodin décida de repérer les sites où son principe
de pont pourrait rendre les plus grands services. Précédé d'une réputation flatteuse
dans le milieu du génie civil il vint à Marseille en 1894.
Il constata les ralentissements des files de véhicules chargés de marchandises venant
de la Joliette par la rue de la République, afin de contourner le plan d'eau soit 890m
de long pour 290 de large. Un pont à transbordeur permettrait économie de temps
et de moyens.
Homme d'affaires entreprenant F. Arnodin contacta officieusement le 10/12/ 1894
l'ingénieur en chef du service spécial maritime de la Ville pour lui présenter son
avant-projet de pont à transbordeur. Mais les choses allaient traîner.
Le 27 juin 1899 F. Arnodin en appela au ministre des travaux publics Jean Monestier
pour lui demander l'autorisation de s'établir comme concessionnaire d'un pont, à ses
frais, risques et périls sans subvention ou garantie d'intérêt.
Après avis des ingénieurs des Ponts et Chaussées, le nouveau ministre des T.P.Pierre
Baudin fit connaître au préfet des Bouches du Rhône qu'il prenait en considération la
demande de concession. Le 18 décembre 1900 le conseil municipal présidé par le Maire
le docteur Flaissières, donna à son tour un avis favorable.
Ferdinand Arnodin pouvait se flatter de ses ponts mis en service à Rouen, Bizerte et
Rochefort ; le président de la République Emile Loubet décrétait le 8 mars 1902
« d'utilité publique l'établissement entre le quai de la Tourette et le boulevard du Pharo,
d'un pont à transbordeur pour la traversée du vieux-port ” et concédait pour une durée
de 75 ans l'établissement et l'exploitation du pont à F. Arnodin ingénieur constructeur.
Le pont construit et entretenu sur les fonds propres de la société Arnodin fut
préfabriqué à Châteauneuf sur Loire, les éléments expédiés par train,réceptionnés
en gare St Charles furent acheminés sur les quais par une noria de « camions »
attelés de chevaux.
L'inauguration du pont eut lieu le 23 décembre 1905 à 15h00. Le Maire de l'époque
Aimable Chanot fut représenté par son premier adjoint Marius Pierre. Ferdinand
Arnodin déclama quelques vers sans doute de son cru : « Ici est la porte de France
pour le voyageur venant d'Orient, porté par le flot bleu, sa vue lui donne l'espérance
qu'en ce pays il aura agrément plus qu'en autre lieu... »
Coût de l'ouvrage : 1 million et demi de francs or, sans concours de la Ville ou du
département !!
Pour indemniser le concessionnaire de ses dépenses de travaux et d'exploitation il lui
a été accordé le droit de percevoir des taxes (5 centimes la traversée pour les piétons
et toutes sortes de montants différents pour les véhicules transportant des passagers,
les animaux de trait ou toutes autres espèces)
Fréquentation en février 1906 : 84 700 piétons, 1314 voitures, 1 691 ascensions sur le
tablier.
Le 21 juillet 1907 fut mis en service un ascenseur payant pour faciliter l'accès aux
passerelles.
Au mois d'août 1090 montées contre 295 par l'escalier et en septembre 1365 contre
407 par l'escalier.
L'Exposition Coloniale de 1906 amena plus de 110.00 visiteurs sur le pont et la seconde
en 1922 110 099 personnes payantes et 3 074 ascensions.
DECLIN ET MORT
Après l'entrée en guerre contre l'Empire allemand et le départ du personnel vers
le front, sans grands moyens humains ou financiers l'ouvrage fut entretenu de
manière sommaire : pénurie des métaux et hausse des prix aidants, d'importants
travaux de réfection furent abandonnés.
En Octobre 1920 les tarifs de passage furent augmentés ce qui amena rapidement
une baisse de la fréquentation.
Dans la nuit du 16 avril 1921 un feu se déclara du côté Saint Nicolas, un câble
électrique s'étant rompu sous la violence du mistral soufflant en tempête. Dégâts :
destruction du pavillon de la machinerie et d'une partie de la passerelle.
En septembre 1924 : hausse des tarifs et baisse de fréquentation en 1925
En août 1926 : demande de nouvelle hausse
Après la mort de Ferdinand Arnodin sa famille se déchira pour les concessions
des ponts à transbordeur de Rouen, Nantes, Marseille, qui furent dispersés aux
enchères.
En 1926 le pont de Marseille fut adjugé 553 000 francs à Renée Chibrac vve de
Ferdinand Joseph Arnodin, fils de Ferdinand.
En février 1940 la démolition du pont fut mise à l'ordre du jour lors d'une
conférence présidée par le préfet :
- après le versement de 650 000 francs pour dédommager la famille
Chibrac-Arnodin, le pont serait démoli par le ministère de l'armement et en
raison des évènements internationaux ses parties métalliques utilisées par la
Défense Nationale.
Le ministre de l'armement malgré les 1400 T. de métal annoncés refusa la charge
financière de la destruction.
Depuis novembre 1942 le trafic du pont avait sensiblement diminué par suite de
l'arrêt des mouvements commerciaux du port, l'armée allemande occupant la ville.
Avant de dynamiter le pont, en février 1943 après évacuation des habitants, c'est
une grande partie des immeubles du coté Mairie : 1494 pendant 17 jours qui
furent détruits par explosifs.
Les troupes des généraux Monsabert, Guillaume et Sudre, débarquées en août
1944 sur la côte varoise et se dirigeant vers Marseille, les Allemands sentant la
défaite décidèrent de rendre les installations portuaires inutilisables, croyant
retarder durablement la logistique des armées alliées.
Et le 21 août 1944 pour combler l'entrée du Lacydon, le bateau CAP CORSE
désarmé dans le port, fut sabordé dans ce but par les Allemands ; mais le navire
se renversa sur le côté et dériva lentement sans venir à l'endroit souhaité.
Alors dans la précipitation les pylônes nord et sud du pont transbordeur furent
dynamités.
Mais seul le pilier nord s'effondra, entraînant une partie du tablier.
Le pilier sud résista, mais ébranlé avec la nacelle restée en place , il représentait
un danger d'effondrement en cas de fort coup de vent.
Le 1er septembre 1945 son dynamitage par l'OFFA eut lieu.
Fort dénigré par certains et très regretté par d'autres, ce pont à transbordeur
a été pendant 40 ans un atout touristique de la ville.
Un journaliste du quotidien LA FRANCE écrivit « Les Marseillais peut être,
et à coup sûr, ses usagers, déploreront cette perte. Abîmait-il vraiment le paysage
ainsi que le prétendaient ses contemporains ? Question qui n'a plus de sens,
le transbordeur a disparu.»
Ce pont métallique marque ainsi la première moitié du XXe siècle de son
empreinte imposante. D'entretien coûteux, ce pont n'est plus en fonction
dès les années 30.
Il est détruit en partie en 1944 par les Allemands pour bloquer le port lors
de la bataille de Marseille. Le pylône restant est écroulé volontairement en 1945.
Merci à Michèle Escudéro qui il y a quelques mois m'avait fait passer
cet article pour le blog!!
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